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AccueilNumérosN°3, vol. 5EnquêtesPrécarité du contrat de travail et r(…)

Précarité du contrat de travail et risque de perte d’emploi en Europe

Precarity of the labour contract and the risk of job loss in Europe
François Ghesquière

Résumés

En France, la notion de précarité est communément utilisée, tant dans la littérature sociologique que dans les débats politiques autour de la question sociale. Cette notion, qui englobe généralement (avec le temps partiel) le risque de perte d’emploi et les contrats à durée limitée, s’exporte mal dans les autres pays. L’explication généralement avancée est que la stabilité de l’emploi n’y est pas toujours considérée comme une nécessité en raison des États‑providence construits suivant une logique moins centrée sur le statut conféré par l’emploi stable. Cet article enrichit ce constat par une comparaison internationale systématique et quantitative. Ainsi, les pays d’Europe occidentale sont comparés selon le degré d’association entre la stabilité du contrat de travail – à durée indéterminée ou limitée – et risques – subjectifs et objectifs – de perte d’emploi. Pour ce faire, les données issues des enquêtes Statistics on Income and Living Conditions et European Working Conditions Survey de la fin des années 2000 sont mobilisées. Il en ressort que les contrastes entre pays sont similaires à ceux mis en évidence par les études de cas, mais que l’explication par les types d’État‑providence ne peut être généralisée pour comprendre la situation de la plupart des pays. Ces variations semblent mieux s’expliquer par l’importance du rôle l’État dans les relations professionnelles, en particulier par les restrictions qu’il impose à l’usage des contrats à durée déterminée.

Precarity of the labour contract and the risk of job loss in Europe

In France, the notion of “précarité” is commonly used in both sociological literature and political debate. This notion, which, along with part‑time employment; often covers the risk of job loss and fixed‑term contracts, is hardly exported to other countries. The explanation generally put forth is that employment stability is not considered a necessity everywhere, with welfare states having been built on logics more or less focused on the status conferred by stable employment. This article contributes to this conclusion – which has come mainly from case studies – by a systematic and quantitative international comparison. The countries of Western Europe are compared according to the degree of association between fixed‑term contracts and (subjective and objective) risk of job loss. For this purpose, data from Statistics on Income and Living Conditions and the European Working Conditions Survey from the late 2000s are used. The analysis show that the contrasts between countries are similar to those highlighted by case studies, but that explaining them by welfare state typologies is problematic, as this does not provide an explanation for understanding the situation of the majority of countries. It seems that these differences can be better explained by an international comparison of the importance of the role of the state in professional relations, especially of the restrictions it may impose on the use of fixed‑term contracts.

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Texte intégral

Introduction

1Étymologiquement, le terme de précarité provient du « latin juridique precarius, qui désignait ce qui était « obtenu par prière » » (Eckert, 2010, p. 2). Cette idée de « prière » renvoie à « une prérogative “qui ne s’exerce que grâce à une concession, à une permission toujours révocable par celui qui l’a accordée” » (Eckert, 2010, p. 2). La notion actuelle de précarité est principalement caractérisée par les idées d’instabilité et de dépendance ou de rapport social inégal – toutes les deux découlant de la révocabilité. Serge Paugam (2000) a approfondi cette notion en en distinguant deux formes : la précarisation du rapport au travail et la précarisation du rapport à l’emploi. Le rapport au travail fait référence à l’activité productive des travailleurs. La précarité du travail correspond donc à une dégradation des conditions de travail. En reprenant trois types de satisfactions au travail (homo œconomicus ou le salaire, homo sociologicus ou les relations de travail et homo faber ou la dimension créatrice dans le travail), on distingue trois angles, souvent liés, par lesquels la précarisation du travail peut se développer : dégradation du salaire, des relations sociales au travail, ou de l’activité même de production.

2Le rapport à l’emploi, quant à lui, concerne « la logique protectrice de l’État‑providence » (Paugam 2000, p. 59). En effet, le statut d’emploi confère certains droits et une protection contre les aléas de la vie. Dans cette perspective, c’est l’instabilité de l’emploi qui est une forme de précarité. Ainsi, on distingue les emplois stables et protégés (les contrats à durée indéterminée et les fonctionnaires nommés) de l’ensemble des emplois précaires constitués d’une multitude de contrats (à durée déterminée, temporaires, d’intérimaire, de remplacement, etc.) dont le point commun est d’être de durée limitée. Cette distinction se retrouve déjà, au moins partiellement, dans l’opposition entre marchés du travail internes et externes, développée par Doeringer et Piore (1971). Cependant, c’est à partir des années 1990 que cette opposition s’est retrouvée au cœur de l’enjeu d’une nouvelle question sociale (Castel, 1999), dans laquelle le néologisme de « précariat » a même été forgé pour qualifier l’ensemble des personnes titulaires d’un contrat précaire (Castel, 2007).

3De manière générale, la précarité de l’emploi et le « précariat » comprennent également une autre population : les travailleurs à temps partiel involontaire. En effet, par leur statut, ces travailleurs échappent (partiellement) à la protection attenante à l’emploi. Ce sous‑emploi est donc une autre dimension de la précarité de l’emploi. Faute de place et parce qu’il soulève d’autres questions – notamment la définition de la « volonté » dans la notion de travailleur à temps partiel involontaire –, cette étude se limite à la question des contrats précaires. Sur ce point, je rejoins donc Barbier (2005) qui insiste sur la nécessité de ne pas faire d’amalgame entre les différents types de précarité.

4Cette approche de la précarité peut être qualifiée d’institutionnelle. En effet, comme le souligne Serge Paugam, « cette forte évolution [vers les contrats d’emploi précaire] dépend, au moins en partie, de la constitution d’un cadre juridique et institutionnel spécifique qui comprend les dispositions légales et réglementaires, les accords collectifs et aussi les politiques d’emploi » (Paugam, 2000, p. 67). Cette précarité, constituée d’emplois sous contrats instables, est donc organisée par les institutions. Dès lors, puisque le droit du travail et les conventions collectives diffèrent selon les États, elle varie aussi entre les pays.

  • 1 . D’une manière similaire, Jacqueline O’Reilly (2003) revient sur la distinction temps plein / temp (...)

5Ces variations semblent se retrouver dans une typologie d’États‑providence : social‑démocrate/scandinave, libéral/anglo‑saxon, corporatiste‑conservateur/continental et familialiste‑résiduel/méditerranéen (Esping‑Andersen, 1989 ; Arts & Gelissen, 2002 ; Gallie & Paugam, 2000). Par exemple, en Grande‑Bretagne, « la distinction entre emploi stable et emploi à statut précaire semble moins importante qu’en France » (Paugam, 2000, p. 68). Mircea Vultur (2010) élargit ce clivage en opposant les États‑providence continentaux, où la distinction est importante parce que les droits sociaux y sont liés à l’emploi, aux pays anglo‑saxons comme les États‑Unis, la Grande‑Bretagne ou le Canada dans lesquels cette distinction n’a pas beaucoup de sens1. Enfin, s’il ne se base pas sur la typologie des États‑providence, Barbier (2005) esquisse la position des États scandinaves avec l’exemple du Danemark. Dans ce pays, « où règne le principe de l’universalisme […], il n’y pas en règle générale de place pour la “précarité” de l’emploi, car la protection sociale est généreuse » (Barbier 2005, p. 365). Ainsi, d’après lui, les pays anglo‑saxons et scandinaves se rejoignent donc sur l’absence de débats autour de la précarité. Les premiers parce que tous les travailleurs y sont « précaires » et les seconds parce que, dans ces pays, aucun ne l’est.

Quels liens possibles entre précarité du contrat et risque de perte d’emploi ?

6La conception de la précarité telle qu’elle a été développée ci‑dessus peut être appelée précarité institutionnelle de l’emploi parce qu’elle est doublement centrée sur les institutions – et le droit au sens large. D’une part, elle s’appuie sur le droit du travail pour distinguer les emplois stables des emplois instables. D’autre part, l’objet de la précarité est également le droit : droit à différents types de préavis, droit à certaines prestations sociales, etc.

7Cependant, on peut définir autrement la précarité : le risque de perdre son emploi, indépendamment du type de contrat. En effet, « ne pas pouvoir prévoir son avenir en raison des menaces qui pèsent sur son emploi peut également être une source de souffrances. » (Paugam, 2000, p. 25). Même si l’on peut supposer que les titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ont généralement moins de risques de perdre leur emploi que les titulaires d’un emploi instable, il existe des situations dans lesquelles les premiers craignent de perdre leur emploi (par exemple, une entreprise qui risque la faillite) et des situations dans lesquelles les seconds ne risquent pas de perdre leur emploi (par exemple, des CDD de (très) longue durée, des CDD successifs dans des secteurs particuliers, ou encore des intérimaires très qualifiés) (Vultur, 2010). Ces deux dimensions, si elles sont très certainement corrélées, ne sont donc pas identiques. Dans la suite de l’article, le terme de contrat instable fera exclusivement référence à la précarité institutionnelle et le terme d’emploi instable s’appliquera uniquement aux salariés qui risquent de perdre leur emploi. Par ailleurs, je préfère parler de stabilité du contrat ou de l’emploi, plutôt que de précarité, parce que cette dernière notion est moins précise et plus connotée politiquement. Le terme contrat stable est également préféré à l’abréviation CDI, ce sigle étant trop juridique et lié aux pays francophones.

8C’est cette corrélation entre l’instabilité du contrat et l’instabilité de l’emploi qui est explorée dans la suite de cet article. Quatre situations peuvent se présenter. Premièrement, la corrélation est positive et (très) élevée. La précarité institutionnelle recouvre relativement bien la précarité subjective. Les statuts d’emploi sont donc clairement distincts : les personnes sous contrat stable occupent des emplois stables et les personnes sous contrat instable occupent des emplois instables. Deuxièmement, cette corrélation est positive, mais faible. Les deux précarités se recoupent – les personnes sous contrat stable occupent généralement des emplois plus stables que celles sous contrat instable –, mais partiellement : il existe de nombreuses situations atypiques telles que des salariés sous contrat stable occupant des emplois instables et vice‑versa. Les statuts d’emploi sont donc relativement brouillés, puisque la stabilité du contrat de travail ne mène pas toujours à la stabilité de l’emploi. Troisièmement, il est possible que ces deux stabilités ne soient pas corrélées. Le risque de perdre son emploi n’aurait aucun rapport avec le type de contrat. Cette configuration semble a priori peu probable. Enfin, on peut imaginer une corrélation négative entre ces deux variables. Les personnes sous contrat stable sont celles qui risquent le plus de perdre leur emploi alors que les personnes sous contrat instable présentent un risque de perte d’emploi plus limité. Cette situation semble totalement fantaisiste.

9Tester ces différentes hypothèses sur les pays européens peut nous éclairer sur deux points. D’abord, on peut distinguer les pays selon le degré de brouillage entre contrats stables et instables. En effet, les pays où la corrélation est forte sont ceux où les risques de perte d’emploi dépendent le plus du contrat de travail. Au contraire, dans les pays où cette corrélation est faible, la distinction entre les types de contrats est brouillée (selon le critère du risque de perte d’emploi). Ensuite, si certains pays présentent une corrélation identique, on peut considérer que, quand on les compare, le type de contrat est un indicateur valide pour appréhender le risque de la perte d’emploi – puisque deux personnes avec un même contrat dans chacun des pays auront, selon un raisonnement probabiliste, un risque relatif similaire de perte d’emploi. Ce qui n’annihile pas les éventuels problèmes de comparabilité quand on s’intéresse au type de contrat en tant que porteur de droits spécifiques. Si, au contraire, on compare des pays dont la corrélation diffère, le type de contrat n’est plus un indicateur comparable du risque de perte d’emploi. Étant donné que certaines bases de données (notamment l’Enquête sur les Forces de Travail (EFT)) ne contiennent que le type de contrat pour appréhender la stabilité de l’emploi, cette question est capitale pour les chercheurs pratiquant la comparaison internationale.

10N’oublions pas que le risque de perte de l’emploi n’est pas univoque. Il peut se décliner de deux manières : l’une subjective et l’autre objective. Le risque subjectif de perte d’emploi est appréhendé en demandant aux travailleurs dans quelle mesure ils pensent perdre leur emploi. Cette mesure est appropriée quand on s’intéresse aux représentations des salariés : les contrats précaires sont‑ils plus considérés à risque que les contrats stables ? De plus, cette mesure subjective permet de relier plus facilement la précarité institutionnelle à la peur et au stress liés à la perte d’emploi, bien que ces deux phénomènes soient distincts : on peut très bien avoir la certitude de perdre son emploi dans les deux mois, sans en avoir peur, parce que, par exemple, on est certain d’en retrouver un autre. Mais la mesure subjective du risque de perte d’emploi peut poser un problème de validité si l’on s’intéresse au risque « réel » de perte d’emploi. En effet, il est possible que les travailleurs évaluent mal leur risque de perte d’emploi, par exemple s’ils n’ont pas connaissance d’un prochain licenciement collectif. Dès lors, il est envisageable de mesurer le risque « objectif » de perte d’emploi à l’aide de données longitudinales permettant de voir ce qui est effectivement arrivé aux travailleurs après un certain laps de temps : ont‑ils perdu leur emploi, l’ont‑ils conservé, en ont‑ils trouvé un autre ? Cette mesure objective a l’avantage d’évaluer, pour chaque pays, la protection « réelle » que procure un contrat stable par rapport à un contrat instable.

11Plus qu’opposées, ces deux dimensions sont complémentaires. La dimension subjective permet de se concentrer sur les représentations, qui ont probablement un effet important sur manière dont les débats politiques sont menés, en particulier le recours plus ou moins fréquent à la notion de précarité. En effet, si les travailleurs sous contrat instable pensent plus risquer de perdre leur emploi que les travailleurs sous contrat stable, on peut supposer que les débats autour la précarité seront plus saillants – puisque chacun identifie son emploi comme plus ou moins stable en fonction de son contrat. Par contre, on peut penser que la dimension objective a un effet moins direct sur la manière dont les débats politiques se déroulent. En effet, si les travailleurs sous contrat instable perdent effectivement plus souvent et plus rapidement leur emploi que les travailleurs sous contrat stable, mais que ces deux types de travailleurs ne s’en rendent pas compte, on ne voit pas vraiment pourquoi les débats sur la précarité seraient saillants – les travailleurs n’identifiant pas la stabilité de l’emploi au type de contrat. En revanche, la dimension objective permet, plus directement, d’évaluer et de juger, au‑delà des discours et du droit, de la protection réelle qu’apporte un contrat par rapport à un autre, ce qui n’est pas sans intérêt pour éclairer les débats politiques. C’est pourquoi cet article explore successivement, dans une perspective de comparaison internationale, tant la relation entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi que la relation entre cette même stabilité du contrat de travail et le risque objectif de perte d’emploi.

Une approche sociologique centrée sur les catégories utilisées par les acteurs

12À ce stade, il est important de préciser que la perspective adoptée ici est celle d’une sociologie quantitative qui recourt à l’analyse des réponses à des enquêtes et non une perspective juridique, centrée sur le droit, son interprétation et son application.

13Dans une perspective juridique, l’objet d’étude n’est pas vraiment l’emploi, mais plutôt le droit (du travail) et ceux qui le font : les membres des corps législatifs qui créent les lois, les juges qui produisent la jurisprudence et l’ensemble des juristes qui élaborent la doctrine. D’ailleurs, on considère que ce sont les juristes, et non les travailleurs ou les employeurs, qui savent ce qu’est un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée. En effet, le juge peut requalifier un contrat en affirmant, par exemple, que la relation de travail est, en réalité, un contrat de salarié à durée indéterminée et non un contrat d’indépendant comme le pensaient les parties. Si l’on pousse la perspective juridique à son terme, pour comparer la répartition des différents types de contrat selon les pays, il faudrait, non pas interroger les travailleurs (ou les employeurs), mais demander aux tribunaux et cours du travail de classer toutes les relations contractuelles de travail. Ce qui est matériellement impossible.

14Centrée sur les représentations des travailleurs, l’approche par questionnaire n’interroge pas les différences légales ou conventionnelles entre statuts, car elle suppose une certaine commensurabilité dans les représentations et les catégories mentales des répondants. Ainsi, bien que les règles juridiques et institutionnelles définissant les différents contrats stables varient selon les États, on suppose que la grande opposition entre contrat stable (à durée indéterminée) et contrat instable (à durée limitée) est socialement – c’est‑à‑dire dans les représentations des travailleurs – pertinente. Cette hypothèse n’est pas déraisonnable, étant donné que très peu de salariés interrogés par les enquêtes utilisées refusent ou ne savent pas quoi répondre à cette question. Par exemple, pour presque tous les pays, dans l’enquête European Working Conditions Survey, qui sera utilisée plus loin dans cet article, moins d’un pour cent des salariés ne sait pas quel est son type de contrat, n’a pas d’opinion sur la question ou refuse de répondre.

15En réalité, même si dans une perspective juridique, on pointe plutôt les différences de signification des types de contrat entre les pays, on se base également sur le postulat d’une commensurabilité des catégories juridiques des contrats de travail. Par exemple, on définit a priori quels sont les contrats qui relèvent du droit du travail et ceux qui en sont exclus (les travailleurs indépendants). De manière similaire, si l’on veut comparer la protection (juridique) offerte par les CDI selon les pays, on doit définir a priori les contrats de travail qui peuvent être considérés comme à durée indéterminée. Somme toute, ce mode opératoire n’est pas très différent de la perspective sociologique dans laquelle on postule une commensurabilité des catégories sociales de contrat de travail, pour ensuite, éventuellement, pointer les différentes réalités économiques, sociales, psychologiques ou même juridiques que recouvrent ces catégories selon les pays. Ce postulat de commensurabilité des catégories est nécessaire à toute comparaison : avant de pouvoir constater des différences, il faut considérer que les catégories comparées relèvent d’une même méta‑catégorie.

Comparaison du lien entre la stabilité du contrat et le risque subjectif de perte d’emploi

16Pour mesurer le lien entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi, j’ai utilisé les données issues de l’enquête European Working Conditions Survey (EWCS)2. EWCS est une enquête centrée sur les conditions de travail, mise en œuvre dans les pays européens tous les cinq ans depuis 1990. Elle est réalisée par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), « une agence tripartite de l’Union européenne dont le rôle est de fournir des connaissances dans le domaine des politiques sociales et liées au travail »3.

17La population cible de cette enquête est l’ensemble des travailleurs selon la définition de l’Organisation internationale du travail (OIT), c’est‑à‑dire l’ensemble des personnes âgées de 15 ans et plus dont la résidence habituelle se trouve au sein du pays étudié, qui ont travaillé au moins une heure pour un salaire au sens large (salariés et fonctionnaires) ou un profit (indépendants) pendant la semaine précédant l’enquête, ou n’ayant pas travaillé cette semaine‑là en raison d’une absence temporaire (chômage technique, congé...)4. L’ensemble des personnes travaillant contre rémunération (salariés, fonctionnaires, indépendants, mais aussi les aidants), qu’ils travaillent à temps plein ou à temps partiel, constitue donc la population de référence de cette enquête. Cette définition du travailleur est identique à celle utilisée par la plupart des grandes enquêtes internationales telle EFT. Pour la plupart des pays, les échantillons sont relativement petits (1 000 personnes).

18Au sein des nombreuses informations que procure cette enquête, deux permettent d’appréhender la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi. L’une concerne le type de contrat (« quel type de contrat de travail avez‑vous ? Contrat à durée indéterminée (CDI) ; contrat à durée déterminée (CDD) ; contrat d’une agence de travail temporaire ; apprentissage ou tout autre programme de formation ; pas de contrat »). L’autre concerne le risque, apprécié subjectivement, de perdre son emploi dans les six mois (« À quel point êtes‑vous d’accord ou pas avec les affirmations suivantes décrivant certains des aspects de votre travail ? A – Je risque que perdre mon travail au cours des 6 prochains mois : tout à fait d’accord ; d’accord ; je ne suis ni d’accord ni pas d’accord ; pas d’accord ; absolument pas d’accord »). La première question n’est posée qu’aux travailleurs se définissant eux‑mêmes comme salariés (fonctionnaires compris) plutôt qu’à leur propre compte. Cette contrainte peut être vue comme une limite de cette étude, mais la stabilité du contrat de travail ne concerne pas, par définition, les indépendants. En effet, ces derniers ne s’inscrivant pas dans une relation salariale stricto sensu, on ne peut pas mesurer la stabilité juridique de celle‑ci.

19Nous observons dans le tableau 1 que la proportion de contrats d’emploi stables (CDI) varie selon les pays. Ainsi, dans des pays comme le Luxembourg et la Belgique, cette proportion s’approche des 90 %. Au contraire, dans les pays de l’Europe du Sud et en Irlande, elle tourne autour de 60‑70 %. La proportion de salariés sans contrat varie également de manière importante. En effet, si elle est négligeable dans la plupart des pays, elle est importante en Grèce et en Irlande, mais aussi en Espagne, au Portugal et au Royaume‑Uni. En Grèce et en Irlande, il y a même nettement plus de salariés sans contrat que de travailleurs sous contrat à durée déterminée !

20Nous voyons dans le tableau 2 que la répartition des niveaux de risque subjectif de perte d’emploi varie selon les pays, bien que l’emploi stable semble être la norme (les réponses les plus fréquentes sont « Absolument pas d’accord » et « Pas d’accord »). En effet, les pays de l’Europe du Sud et l’Irlande présentent des risques plus importants de perte d’emploi que les pays plus septentrionaux. Cependant, quand on compare les deux tableaux, on peut voir qu’ils ne sont pas identiques. Par exemple, la Grèce, pays où l’instabilité du contrat de travail est la plus répandue, n’est pas le pays avec les plus grands risques subjectifs de perte d’emploi.

21Pour analyser la relation entre ces deux variables au sein de chaque pays, leurs modalités ont été regroupées de manière dichotomique. Cette dichotomisation est nécessaire parce que tant la présence de cellules théoriques vides que la proportion importante de cellules à faibles effectifs théoriques posent problème pour effectuer certaines analyses statistiques (le khi‑carré et l’analyse log‑linaire). Elle est aussi utile parce qu’elle permet de raccourcir les intervalles de confiance et qu’un tableau croisé de deux variables dichotomiques peut aisément être synthétisé en une seule mesure de l’association entre variables.

Tableau 1 : Répartition des salariés selon leur contrat de travail dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)

Tableau 1 : Répartition des salariés selon leur contrat de travail dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)

Tableau 2 : Répartition des salariés selon leur risque subjectif de perte d’emploi dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)*

Tableau 2 : Répartition des salariés selon leur risque subjectif de perte d’emploi dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)*

Réaction a la proposition : « Je risque de perdre mon travail au cours des six prochains mois. »

  • 5 . Pour les tableaux détaillés et plus d’informations sur cette population spécifique, voir l’annexe (...)

22Pour la variable type de contrat, j’ai distingué les contrats stables (CDI) des contrats instables (CDD, intérimaires, apprentissage et sans contrat). Il m’a semblé naturel de regrouper les CDD, les contrats d’intérimaire et les contrats d’apprentissage puisque ces trois types de contrat sont, par définition, limités dans le temps. La question des salariés « sans contrat » pose plus d’interrogations. En effet, ces derniers peuvent être dans une situation de précarité et d’instabilité extrême (travail au noir…) ou dans la situation inverse (les fonctionnaires nommés n’ont, d’un point de vue juridique, pas de contrat, mais un statut). Mais après l’exploration des caractéristiques de ces « salariés sans contrat » dans les pays où ils constituent une part non négligeable de la force de travail, on peut conclure qu’il s’agit majoritairement de personnes en situation de précarité et d’instabilité contractuelle5. En effet, ils travaillent très majoritairement pour le secteur privé. Vraisemblablement, ces salariés se déclarant sans contrat ne sont donc pas des fonctionnaires nommés. Ils sont surreprésentés dans les secteurs de la construction, de l’hôtellerie‑restauration, de l’agriculture et dans les activités où les ménages ont un statut d’employeur et sous‑représentés dans les secteurs publics (l’administration, l’enseignement et la santé). Ils sont également surreprésentés dans les emplois reconnus comme peu qualifiés (manœuvres, employés non qualifiés, ouvriers, artisans, vendeurs, agriculteurs…) et sous‑représentés dans les emplois plus qualifiés (cadres, professions intellectuelles et professions intermédiaires). Enfin, leur diplôme est généralement d’un niveau peu élevé. Au regard de ces différents éléments, on peut penser que ces salariés se considèrent sans contrat parce que leur relation salariale est très peu institutionnalisée et qu’ils occupent des emplois précaires, comme du travail au noir. Cela m’a conduit à inclure cette catégorie dans l’ensemble des contrats instables. La catégorie « autres » du tableau 1 a été traitée comme les non‑réponses parce qu’aucune information ne permettait de la regrouper avec les contrats stables ou les contrats instables.

23Pour la variable risque subjectif de perte de l’emploi, les faibles risques de perte d’emploi (« absolument pas d’accord » et « pas d’accord » avec l’hypothèse de perdre son emploi dans les 6 mois) sont simplement opposés aux forts risques de perte d’emploi (« d’accord » et « tout à fait d’accord » avec cette même hypothèse). Les répondants qui n’ont pas vraiment d’avis sur la question (« ni d’accord, ni pas d’accord ») ont été exclus des analyses, considérant, comme les non‑réponses, qu’ils ne se prononcent pas.

Les rapports de chances comme mesure d’association intrinsèque

  • 6 . Ce pays a été choisi à titre d’exemple en raison de ses chiffres ronds qui facilitent la compréhe (...)

24Pour mesurer l’ampleur de l’association intrinsèque entre les deux variables dichotomisées, les rapports de chances, plus connus sous leur appellation anglophone d’odds ratio, sont l’outil le plus pertinent (Vallet, 2007). Pour mieux comprendre ce qu’est un rapport de chances, le tableau 3 qui croise, pour l’Autriche et pour l’ensemble des années 2005 et 20106, les variables dichotomisées mesurant la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi nous servira d’exemple. (Le lecteur maîtrisant cette technique peut sauter les trois paragraphes suivants.)

25On peut y voir que, parmi les 1 240 salariés interrogés en 2005 et 2010, 192 déclaraient avoir un contrat instable – c’est‑à‑dire un CDD, un contrat d’intérimaire, un contrat d’apprentissage ou pas de contrat. Parmi ces 192 salariés sous contrat instable, 145 ne pensaient pas perdre leur emploi dans les 6 prochains mois. En regardant le tableau, on voit bien que les deux variables sont liées. Mais, en un simple coup d’œil, il n’est pas possible de mesurer l’ampleur de ce lien. C’est en cela que les rapports de chances peuvent nous aider. Avant de voir quel est l’intérêt de cette mesure, voyons comment elle se calcule.

Tableau 3 : Relation entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi en Autriche pour les années 2005 et 2010 (données EWCS)

Risque subjectif de perte d’emploi

Type de contrat

Risque faible

Risque fort

Total

Stable

944

105

1049

Instable

145

47

192

Total

1089

152

1240

26La chance est un rapport de deux probabilités. Par exemple, dans le tableau 3, la chance de penser ne pas risquer de perdre son emploi plutôt que de penser risquer de perdre son emploi pour le titulaire d’un contrat stable est le rapport entre sa probabilité de penser ne pas risquer de perdre son emploi (944/1049 ≈ 90 %) et sa probabilité de penser risquer de perdre son emploi (105/1049 ≈ 10 %). Cette chance (90 %/10 % = 9) peut s’interpréter à la manière des parieurs : 9 contre 1 de penser ne pas risquer de perdre son emploi plutôt que de penser risquer de perdre son emploi, quand on est titulaire d’un contrat stable. Le rapport de chances permet de comparer les chances des deux catégories d’avoir un certain risque (ici subjectif) de perte d’emploi plutôt que l’autre. Il se calcule, comme son nom l’indique, en divisant une chance par l’autre. Ainsi, le rapport entre la chance de penser ne pas risquer de perdre son emploi plutôt que de penser risquer de perdre son emploi pour le titulaire d’un contrat stable (9) et la chance de penser ne pas risquer de perdre son emploi plutôt que de penser risquer de perdre son emploi pour le titulaire d’un contrat instable (145/47 ≈ 3) vaut, à peu près, 3 (= 9/3). On peut l’interpréter comme ceci : les titulaires d’un contrat stable ont 3 fois plus de chances que les titulaires d’un contrat instable de penser ne pas risquer de perdre leur emploi plutôt que de penser risquer de perdre leur emploi. Les rapports de chances se situent toujours entre 0 et l’infini. Une valeur de 1 indique que les deux variables sont indépendantes. Une valeur inférieure à 1 indique que l’association entre les modalités des variables est négative. Au contraire, une valeur supérieure à 1 indique que l’association entre les modalités des variables est positive. Plus il est proche de 0 ou de l’infini, plus l’association entre les variables est forte.

  • 7 . En effet, les rapports de probabilités sont plus simples à interpréter. Par exemple, les titulair (...)

27Tout cela peut sembler inutilement complexe7, pourtant deux raisons justifient l’utilisation des rapports de chances pour décrire les tableaux de contingence 2X2. D’abord, dans ce type de tableau, il n’existe qu’un seul rapport de chances et son inverse. Par exemple, le rapport de la chance de penser risquer de perdre son emploi plutôt que de penser ne pas risquer de perdre son emploi pour le titulaire d’un contrat stable sur la chance de penser risquer de perdre son emploi plutôt que de penser ne pas risquer de perdre son emploi pour le titulaire d’un contrat instable vaut, à peu près, 1/3. Le rapport de chances est donc une mesure synthétisant le degré d’association entre les deux variables au sein d’un tableau 2X2. Ensuite, et c’est le plus important, les rapports de chances sont insensibles aux changements dans les marges. C’est‑à‑dire que si, toutes choses égales par ailleurs, un ou plusieurs totaux changent, le rapport de chances n’en est pas modifié. Par exemple, si le nombre de contrats instables est deux fois plus important, sans que rien d’autre ne change – la répartition des salariés sous contrats instables selon leur risque subjectif de perte d’emploi reste la même –, alors le rapport de chances restera le même. Cette propriété fait que les rapports de chances sont devenus la principale mesure d’association entre des modalités de variables qualitatives : étant insensibles aux marges, ils mesurent l’association intrinsèque entre variables. Cela veut dire que, dans les analyses présentées ci‑dessous, les rapports de chances mesurent, pour chaque pays, l’association entre la stabilité du contrat de travail et la stabilité (subjective) de l’emploi, indépendamment de l’importance de chacune de ces stabilités. Ce qui est fondamental puisque, comme nous l’avons vu dans les tableaux 1 et 2, les répartitions de ces variables diffèrent selon les pays.

28Par cette mesure, nous nous éloignons des propos de Barbier (2005) qui conçoit la proportion de contrats à durée limitée comme un corrélat de l’importance de la question de la précarité. Pour cet auteur, dans les pays, comme le Royaume‑Uni, où la différence entre contrats stables et instables est faible, les entreprises ne recourent pas souvent aux contrats à durée limitée, car elles n’ont pas besoin de contourner la (faible) protection des contrats stables ; au contraire dans les pays, comme la France, où la distinction entre CDI et CDD est plus saillante, ces derniers sont plus utilisés, car ils permettent une certaine flexibilité externe. Or, en observant le tableau 1, cette interprétation semble insuffisante puisque la proportion de salariés sous contrat stable est similaire en France et au Royaume‑Uni.

  • 8 . Cette technique permet d’identifier les facteurs (variables, associations entre deux variables et (...)

29Les rapports de chances mesurant pour chaque pays le lien intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi sont présentés dans le tableau 4. Les intervalles de confiance, à un niveau de confiance de 90 % et 95 %, calculés selon la méthode de Wolf (appelée aussi méthode des logits) y sont également indiqués. Dans le but de réduire la taille des intervalles de confiance, les données des années 2005 et 2010 ont été regroupées pour calculer les rapports de chances. Pour s’assurer du bien‑fondé de cette opération, un modèle log‑linéaire8 a été testé séparément sur les données de chaque pays. Il en ressort que l’association intrinsèque entre le type de contrat et le risque subjectif de perte d’emploi ne varie significativement selon l’année qu’en Norvège et au Portugal (ces pays sont indiqués par un astérisque dans le tableau 4). Pour ces deux pays, le rapport de chances doit s’interpréter comme une mesure synthétique de l’association dans les années 2005‑2010, sachant que les variations conjoncturelles sont significatives. Pour les autres pays, les variations entre 2005 et 2010 étant négligeables, ce regroupement ne pose aucun problème.

30On peut observer dans le tableau 4 que, dans tous les pays, les rapports de chances sont significativement supérieurs à 1. Cela signifie que le risque subjectif de perdre son emploi est, pour tous les pays, lié au type de contrat : les titulaires d’un contrat stable se pensent comme ayant moins de risques de perdre leur emploi que les titulaires d’un contrat instable. Ce résultat est loin d’être une surprise mais il mérite d’être souligné : même dans un pays comme le Royaume‑Uni, la distinction entre contrats stables et instables est sociologiquement et statistiquement significative. Par contre, les conclusions deviennent plus intéressantes quand on regarde les valeurs des rapports de chances. En effet, même si nombre d’intervalles de confiance se chevauchent, ils diffèrent significativement entre certains pays. Ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle la relation entre la stabilité du contrat de travail et la stabilité de l’emploi varie selon les pays. Une analyse log‑linaire (utilisant comme variables la stabilité du contrat de travail, le risque subjectif de perte d’emploi et le pays) a également confirmé cette observation : l’interaction entre les trois variables est nécessaire pour reconstruire le tableau de contingence. Autrement dit, la variation entre pays de la relation entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi est statistiquement significative.

Tableau 4 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi par pays dans les années 2005‑2010

Tableau 4 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi par pays dans les années 2005‑2010

* Pays dont la variation du rapport de chances entre 2005 et 2010 est statistiquement significative

a Borne inférieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 95 %

b Borne inférieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 90 %

c Borne supérieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 90 %

31d Borne supérieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 95 %

  • 9 . Cependant cet ordre de grandeur n’est pas très fort. Ainsi, il paraît faible en comparaison aux c (...)

32Comme nous l’avons vu, plus la valeur du rapport de chances est élevée, plus le lien entre les deux stabilités (du contrat et de l’emploi) est fort. C’est‑à‑dire que la distinction contrats stables / instables recouvre nettement les différences de risques subjectifs de perte d’emploi. Ainsi, dans un pays comme la France, où le rapport de chances est très probablement situé entre 8,92 et 14,67, ce lien est plutôt fort9. Autrement dit, le type de contrat détermine clairement le risque subjectif de perte d’emploi : en France les titulaires d’un CDI ont environ 11,44 fois plus de chance que les titulaires d’un contrat instable de se penser comme ayant un faible risque plutôt qu’un fort risque de perte d’emploi. On peut donc penser qu’en France, en regard de la stabilité de l’emploi, le type de contrat est un critère de distinction pertinent. À l’opposé, on retrouve le Royaume‑Uni, où le lien entre la stabilité du contrat de travail et la stabilité de l’emploi – bien qu’existant – est plus faible. Dans ce pays, le type de contrat détermine moins nettement le risque subjectif de perdre son emploi : les titulaires d’un contrat stable y ont environ seulement 1,54 fois plus de chance que les titulaires d’un contrat instable de se penser comme ayant un faible risque plutôt qu’un fort risque de perte d’emploi. On peut donc penser que, au Royaume‑Uni, en regard de la stabilité de l’emploi, le type de contrat est un critère de distinction bien moins pertinent. En effet, d’un point de vue quantitatif, la distinction entre types de contrats selon la stabilité de l’emploi est plus de 7 fois plus forte en France qu’au Royaume‑Uni.

33L’opposition entre la France et le Royaume‑Uni est révélatrice des débats sur la précarité. Comme nous l’avons vu, c’est la France qui est le pays où la question de la précarité (institutionnelle) engendre le plus de débats. Au contraire, le Royaume‑Uni, par son inscription dans un modèle d’État‑providence de type libéral, ne s’approprie pas cette notion (Vultur, 2010; Barbier, 2005). La question du type de contrat y est moins importante que celles concernant le salaire et les conditions de travail (Paugam, 2000). Or, il est frappant que, dans ce pays, le risque subjectif de perdre son emploi ne soit pas tellement lié au type de contrat. La position plutôt médiane de l’Allemagne correspond également bien à ce qu’en dit Barbier (2005 ; 2008) : sans être très saillante (la notion de précarité n’y est pas souvent utilisée), la distinction entre les contrats stables et instables n’est pas totalement absente, surtout depuis les années 2000. D’autres situations sont plus étonnantes. Par exemple, les pays méditerranéens se situent dans une position médiane, à l’écart de la France (même si en considérant les intervalles de confiance, ils n’en sont pas si éloignés).

Comparaison du lien entre la stabilité du contrat et le risque objectif de perte d’emploi

34L’analyse des représentations présentée ci‑dessus ne nous dit rien sur les risques réels de perte d’emploi. Une perspective plus objectiviste permet de mesurer à quel point le contrat stable protège effectivement (et relativement aux contrats instables) de la perte d’emploi. De plus, comparer les deux analyses permet d’examiner dans quelle mesure les dimensions subjectives et objectives concordent ou non sur cette question.

  • 10 . Des informations détaillées sur cette base de données sont disponibles sur le site web d’Eurostat (...)
  • 11 . Les répondants sont suivis annuellement pendant quatre années successives. Pour éviter de retrouv (...)
  • 12 . Étant donné que nous nous intéressons au devenir des personnes un an après avoir identifié leur t (...)

35Pour ce faire, j’ai utilisé les données longitudinales individuelles des Statistics on Income and Living Conditions (SILC) 10. Cette enquête, supervisée par Eurostat et mise en œuvre dans chaque pays par les instituts nationaux de statistique, vise à obtenir principalement des informations sur les revenus (individuels et des ménages) et sur les conditions de vie, mais contient également des informations sur l’emploi, dont le type de contrat. Cette enquête étant basée sur un panel rotatif, elle permet de savoir, pour chaque répondant, ce qu’il est advenu de lui l’année suivante11. L’enquête ayant débuté en 2003 et les dernières données disponibles datant de 201012, les résultats présentés ici sont assez comparables en termes temporels aux résultats tirés de l’enquête EWCS.

36La population de référence de cette enquête est l’ensemble de la population résidente des pays qui vit dans des ménages privés. Ainsi, l’ensemble des personnes interrogées est plus large que celui de EWCS, puisque les demandeurs d’emploi et les divers inactifs sont également pris en compte par l’enquête. Cependant, tout comme pour les analyses présentées ci‑dessus, la population étudiée ici se limite aux salariés. Concrètement, il s’agit ici des personnes de 16 ans et plus qui définissent leur activité principale comme salariée (au sens large, c’est‑à‑dire toute personne travaillant pour un employeur privé ou public contre rémunération), que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Bien que les frontières définissant le salariat soient très similaires (par exemple, les femmes en congé de maternité et les apprentis qui reçoivent un salaire sont inclus), la définition par les répondants de leur situation principale conduit à des différences, principalement concernant les personnes qui travaillent à temps (très) partiel. Par exemple, les étudiants qui travaillent quelques heures par semaine se classeront probablement plutôt dans la catégorie des étudiants que dans celle des salariés à temps partiel. Malheureusement, il n’est pas possible d’inclure ces salariés à titre d’activité secondaire dans l’analyse, car la question traitant du type de contrat ne leur est pas posée.

  • 13 . Les guillemets permettent de pointer le fait que la perte d’emploi est ici de l’ordre factuel plu (...)
  • 14 . Les personnes qui ont perdu leur emploi mais qui en ont retrouvé un autre appartiennent donc à ce (...)

37Tout comme dans les analyses présentées ci‑dessus, il est nécessaire de définir de manière opérationnelle la distinction entre contrats stables et contrats précaires, ainsi que le risque de perte d’emploi. Dans l’enquête SILC, le contrat à durée limitée est identifié par l’existence d’un fait objectif qui permet de prévoir la fin du contrat. Ces faits objectifs sont, par exemple, une date de fin de contrat, l’accomplissement d’une tâche prédéfinie ou la perspective du retour au travail du salarié remplacé. Ainsi, les contrats à durée déterminée, de remplacement, temporaire, d’intérimaire ou d’apprentissage sont des contrats à durée limitée. Le « risque »13 objectif de perte d’emploi a été mesuré en identifiant le statut de la personne un an plus tard : si elle occupe un emploi, j’ai considéré qu’elle n’a pas « perdu son emploi »14 ; si elle est demandeuse d’emploi ou en formation, j’ai considéré qu’elle a perdu son emploi ; si elle appartient à une autre catégorie d’inactif (retraité, personne au foyer, invalide, appelé sous les drapeaux ou autres inactifs), je l’ai exclue de l’analyse. Cette catégorisation permet de considérer comme ayant perdu leur emploi, les personnes dont on suppose qu’elles souhaitent retrouver, à plus ou moins court terme, un emploi : les demandeurs d’emploi et les personnes en formation. Les autres inactifs n’ont pas été inclus dans cette catégorie, car leur fin d’emploi fait sans doute intervenir des facteurs extérieurs à l’entreprise (l’âge pour la retraite et le service militaire, la situation familiale pour les personnes au foyer), elle ne peut pas toujours s’interpréter comme une perte (non volontaire) d’emploi et rien ne nous dit que ces personnes désirent retrouver, un jour, un emploi. De plus, on peut supposer des effets d’âge ou de génération assez importants si on prend en compte les mises à la retraite comme des pertes d’emploi, les contrats stables étant plus fréquents pour les travailleurs plus âgés.

38De cette manière, il est possible de créer pour chaque pays un tableau 2X2 similaire au tableau 3, mais croisant le type de contrat et le « risque » objectif de perte d’emploi. Il est donc également possible de synthétiser chaque tableau en un rapport de chances. C’est ce que le tableau 5 présente pour les pays d’Europe occidentale. Tout comme dans le tableau 4, on a indiqué les intervalles de confiance, à un niveau de confiance de 90 % et 95 %, calculés selon la méthode de Wolf. On a également indiqué, à l’aide d’un astérisque, les pays dans lesquels on trouve, suite à une analyse log‑linaire, au moins une variation, significative selon l’année, de l’association intrinsèque entre les deux précarités. Pour ces pays, il est donc préférable de considérer le rapport de chances comme mesure globale de l’association intrinsèque durant la période 2003‑2010, sachant qu’une ou deux variations conjoncturelles sont présentes.

39Avant de tirer des conclusions de ce tableau, notons que tant la définition de la perte d’emploi que la durée pendant laquelle celle‑ci est considérée varient entre les mesures des risques subjectifs et objectifs : la définition de la perte d’emploi est laissée à l’appréciation du répondant dans le premier cas, alors qu’elle est circonscrite aux statuts de demandeur d’emploi et de personne en formation dans le second ; la durée varie du simple au double (six mois pour le risque subjectif et un an pour le risque objectif). Ces différences ont pour conséquence que les valeurs absolues des rapports de chances mesurant l’association entre la stabilité du contrat de travail et les risques, respectivement subjectifs et objectifs, de perte d’emploi ne sont pas strictement comparables. Autrement dit, ce n’est pas parce que, pour un pays, le rapport de chances mesurant l’association entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi est deux fois plus important que celui qui mesure l’association entre cette même stabilité et le risque objectif de perte d’emploi que l’on peut considérer que la première association est plus forte que la seconde. Cependant, les valeurs relatives des rapports de chances – c’est‑à‑dire la position de chaque pays par rapport à celle des autres dans chacun des tableaux – sont, elles, comparables.

40Les résultats qu’on peut observer sont relativement similaires aux conclusions concernant l’association entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi. Dans tous les pays, les rapports de chances sont significativement supérieurs à 1. Ce qui veut dire que, même au Royaume‑Uni, être sous contrat précaire augmente le risque de perte d’emploi. Cette association varie également selon les pays. En effet, les intervalles de confiance ne se recouvrent pas complètement. Cependant, cette variation est moins importante que celle de l’association entre la stabilité du contrat et le risque subjectif de perte d’emploi : l’étendue des rapports de chances dans le tableau 4 va de 1,5 à 11,5 (soit un rapport de plus de 7), alors que l’étendue dans le tableau 5 va de 2,5 à 8 (soit un rapport d’un peu plus de 3).

41On peut également observer que la position relative des pays est similaire : le coefficient de corrélation de Pearson entre les deux rapports de chances vaut 0,679 – ce qui est loin d’être négligeable, compte tenu de l’imprécision statistique des rapports de chances. Pour une interprétation plus visuelle des résultats, la position des pays selon chacune des associations est projetée dans la figure 1. Étant donné que les rapports de chances sont construits selon une logique multiplicative et non additive (d’où l’asymétrie de leurs intervalles de confiance), l’échelle logarithmique est plus adaptée que l’échelle linéaire.

Tableau 5 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque objectif de perte d’emploi par pays dans les années 2003‑2010 (données SILC)

Tableau 5 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque objectif de perte d’emploi par pays dans les années 2003‑2010 (données SILC)

* Pays dont au moins une variation du rapport de chances selon l’année est statistiquement significative

a Borne inférieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 95 %

b Borne inférieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 90 %

c Borne supérieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 90 %

d Borne supérieure de l’intervalle de confiance à un niveau de confiance de 95 %

42La Belgique, le Luxembourg, les pays nordiques (sauf le Danemark et l’Islande dont les données sont manquantes) et surtout la France présentent une forte association entre contrats précaires et risque de perte d’emploi. L’Italie, l’Espagne, le Portugal et les Pays‑Bas se situent dans une position plutôt médiane. Il est marquant de noter que les pays latins (notamment l’Espagne) qui sont souvent pointés du doigt pour leur rigidité du marché du travail et leur dualisme des emplois par les économistes (Barbier, 2008, pp. 82‑83) ne se retrouvent pas dans les pays où la distinction entre contrats stables et contrats précaires est la plus nette, mais plutôt dans une position médiane. L’idée d’un dualisme du marché du travail (opposant des emplois très protégés à des emplois très précaires) typique des pays latins devrait donc peut‑être être réexaminée. Enfin, le Royaume‑Uni, l’Irlande, l’Allemagne, l’Autriche et la Grèce présentent une association plus faible entre la stabilité du contrat de travail et la stabilité de l’emploi.

Figure 1 : Relation entre l’association entre la stabilité du contrat et le risque subjectif de perte d’emploi et l’association entre la stabilité du contrat et le risque objectif de perte d’emploi

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43Cependant une différence notable entre les tableaux 4 et 5 mérite d’être considérée : les positions du Royaume‑Uni et de l’Allemagne diffèrent nettement selon les deux perspectives. Dans l’approche subjectiviste, le Royaume‑Uni, conformément aux conclusions de Paugam (2000), Barbier (2005) et Vultur (2010), incarne l’idéal‑type d’un lien ténu entre la stabilité du contrat de travail et le risque de perte d’emploi. Dans l’approche objectiviste, le Royaume‑Uni se trouve certes dans le bas du tableau et se distingue toujours de la France, mais il n’incarne plus, à lui seul, cet idéal‑type. La valeur de son rapport de chances est plutôt médiane puisqu’elle atteint 5 et un pays – et un seul statistiquement parlant –, l’Allemagne, présente une association entre la stabilité du contrat de travail et le risque objectif de perte d’emploi plus faible. Ce résultat est assez surprenant et ses causes mériteraient donc d’être étudiées en profondeur.

Quelques pistes d’interprétation

44Au‑delà de la description de la position de chaque pays, il est intéressant de tenter d’y apporter des pistes d’interprétation, c’est‑à‑dire de dégager un sens et une logique aux différentes oppositions entre pays. Avant tout, il faut reconnaître que toute interprétation est partielle et produite par le chercheur, ses intuitions, son histoire et ses connaissances. Ces limites sont d’autant plus vraies dans les comparaisons internationales : le chercheur comparant un nombre relativement réduit de cas (les pays), il ne peut utiliser efficacement les techniques apparentées aux régressions multiples qui permettent d’identifier les effets propres de chaque caractéristique, les autres variables étant contrôlées. Ici, il faut donc plutôt s’en remettre à son intuition et à ses connaissances d’ordre plus qualitatif pour élaborer des pistes d’explications des différentes positions des pays. Suivant cette logique, on peut émettre quelques pistes d’explications des positions des pays.

45D’abord, en se fondant sur les tableaux 4 et 5 (projetés sur la figure 1), il me semble qu’il est problématique de relier, de manière générale, cette question de la précarité aux typologies d’États‑providence. En effet, il existe des différences significatives entre pays d’un même type (par exemple, entre l’Autriche et la France ou entre la Finlande et le Danemark). Contrairement à Barbier (2005), on ne peut donc pas émettre l’hypothèse que ce sont l’universalisme et le développement extensif de la protection sociale, typiques des pays scandinaves, qui réduisent la distinction entre contrats stables et instables. En effet, le Danemark est l’exception dans les pays scandinaves, la Finlande et la Norvège présentant une distinction nette entre ces deux types de contrats.

46Par contre, les typologies de relations professionnelles (Slomp, 2000 ; O’Reilly, 2003 ; Menz 2005) me semblent plus pertinentes tant en regard des résultats présentés ci‑dessus que des hypothèses théoriques. En effet, les pays partageant des relations professionnelles similaires présentent des associations intrinsèques entre stabilité du contrat de travail et risques de perte d’emploi proches. On peut également penser que le mode de régulation du marché du travail (y compris celui de la différenciation entre types de contrats) a une incidence plus directe sur la distinction, selon le critère de la stabilité de l’emploi, entre contrats stables et instables que la structure de l’État‑providence, qui touche moins directement aux contrats de travail. Pour appuyer cette hypothèse, il est intéressant de passer en revue les modes de fonctionnement des relations professionnelles dans quelques pays phares (France, Royaume‑Uni, Allemagne), et en particulier la distinction entre les différents contrats.

  • 15 . Cette base de données, produite par the Amsterdam Institute for Advanced labour Studies (AIAS), c (...)

47En France, le modèle de l’étatisme (Slomp, 2000 ; O’Reilly, 2003 ; Menz, 2005) prévaut dans les relations professionnelles : les partenaires sociaux jouent un rôle limité contrairement à l’État qui utilise de manière extensive ses pouvoirs législatif et exécutif dans les questions de travail et d’emploi. Ainsi, d’après les données Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts (ICTWSS) 15, le taux de syndicalisation y est un des plus faibles d’Europe occidentale (moins d’un salarié sur dix serait affilié à un syndicat), mais le taux de couverture par des conventions collectives y est un des plus élevé d’Europe (plus de neuf salariés sur dix qui en ont la possibilité sont couverts par une convention collective au sens large). Le marché du travail n’est donc pas réduit à un agrégat de négociations individuelles entre travailleurs et employeurs. En légiférant par le Code du Travail et en étendant les conventions collectives à l’ensemble des entreprises d’un secteur par des arrêtés ministériels, l’État impose certaines conditions au fonctionnement du marché du travail. C’est ainsi que l’usage des contrats à durée déterminée est fortement réglementé par le Code du Travail (Blanpain, 2010, pp. 71‑84 ; Schömann et al., 1998, pp. 32‑37). Traditionnellement, cet usage est limité à des situations spécifiques (remplacement d’un autre salarié, augmentation temporaire des activités de l’entreprise, travail saisonnier, ou encore dans certains secteurs particuliers), même si récemment, certains nouveaux contrats à durée limitée ont vu leur apparition dans le but d’améliorer l’emploi de catégories fragilisées, tels le CDD senior qui vise spécifiquement à augmenter l’emploi des ainés.

48Au Royaume‑Uni, la situation est très différente, et même opposée sur bien des points. Les relations professionnelles y sont très décentralisées – l’entreprise étant le principal niveau de négociation – et, traditionnellement, l’État s’abstient d’intervenir dans les relations professionnelles (Slomp 2000; O’Reilly 2003). Cette décentralisation et cet abstentionnisme étatique conjugués avec l’affaiblissement du mouvement syndical depuis les années 1980 font que le Royaume‑Uni est le pays où le marché du travail ressemble le plus à un marché classique où se rencontrent de manière individuelle travailleurs et employeurs. Ainsi, le Royaume‑Uni est le pays d’Europe occidentale avec le plus faible taux de couverture par convention collective : il y est d’environ 35 %, alors qu’il se situe généralement entre 50 % et 100 % pour les autres pays (d’après ICTWSS). Ce caractère peu encadré se reflète dans le fait que, pendant longtemps, l’usage des contrats à durée déterminée a très peu été limité. Ainsi, contrairement à la France (et à la plupart des autres pays européens), l’utilisation des CDD n’est pas restreinte à certains secteurs et à certaines situations spécifiques (Blanpain, 2010, pp. 23‑49 ; Schömann et al., 1998, pp. 65‑70). De plus, le renouvellement successif de ces contrats ne posait généralement pas de problème. Ce n’est qu’en 2002 que la Fixed‑Term Employee Regulation, qui encadre les CDD, en particulier les conditions de leur renouvellement, est adoptée par le gouvernement britannique. Cette première régulation des CDD n’a pas une origine endogène, mais est la conséquence directe de l’adoption de la directive européenne 99/70 sur le travail à durée déterminée. Le Royaume‑Uni incarne donc l’idéal‑type d’un marché du travail où l’usage des CDD est peu encadré, et les évolutions récentes vers (un peu) plus de régulation proviennent essentiellement des contraintes extérieures que sont les exigences de l’Union Européenne.

49L’Allemagne est généralement classée comme un pays au néo‑corporatisme non abouti (Slomp, 2000 ; Menz, 2005). Le néo‑corporatisme est un mode de régulation du marché du travail où les partenaires sociaux (et non l’État, comme en France, ou le marché, comme au Royaume‑Uni) dominent. Ce mode se rencontre dans la plupart des petits pays d’Europe du Nord‑Ouest : pays scandinaves, pays du Benelux, Autriche et Suisse (Slomp, 2000). En Allemagne, le rôle des partenaires sociaux est plus important qu’en France ou au Royaume‑Uni. La négociation collective y est plus centralisée qu’au Royaume‑Uni : on négocie collectivement par secteur et par Land, et non par entreprise. Le rôle de l’État est également plus faible qu’en France (Slomp, 2000 ; Menz, 2005). Les partenaires sociaux ont généralement une grande liberté dans leurs négociations collectives, en particulier concernant les salaires, le salaire minimum est (au moment où ces lignes sont écrites) inexistant, et l’extension des conventions collectives aux entreprises non‑signataires n’est que rarement utilisée (d’après ICTWSS). Cependant, même si le rôle des partenaires sociaux est non négligeable, leur emprise sur le fonctionnement du marché du travail n’est pas très importante. C’est en ce sens qu’on peut parler de corporatisme non abouti. Par exemple, la proportion de travailleurs couverts par une convention collective n’est pas très élevée : elle est d’environ 60 % en Allemagne, alors qu’elle tourne autour de 90 % dans les pays néo‑corporatistes (d’après ICTWSS). La proportion de salariés syndiqués n’y est également pas très élevée : elle tourne autour de 20 %, alors qu’elle dépasse les 50 % en Belgique et dans les pays scandinaves (d’après ICTWSS). Un abstentionnisme étatique, sans pour autant que la régulation du marché du travail soit totalement laissée à des mécanismes purement marchands, semble se refléter, dans une certaine mesure, dans la régulation des CDD. En effet, en Allemagne, jusqu’en 2000, le Code Civil réglementant les contrats de travail ne limitait pas leurs utilisations (Blanpain, 2010, pp. 85‑108 ; Schömann et al., 1998, pp. 38‑42). Cependant, la jurisprudence considérait que les contrats à durée déterminée ne pouvaient être utilisés pour contourner la protection procurée par les contrats à durée indéterminée. Étant donné que seuls les salariés travaillant depuis au moins six mois dans une entreprise occupant plus de dix salariés bénéficiaient de cette protection, aucune présomption d’un objectif de contournement n’était possible pour les salariés travaillant dans des petites entreprises ou pendant un laps de temps inférieur à six mois. Suite à une loi de 2001 (mettant aussi en œuvre en Allemagne la directive européenne 99/70 sur le travail à durée déterminée), le recours aux contrats à durée déterminée doit se justifier par une raison objective – bien qu’il n’y ait pas de liste exclusive des raisons objectives. En Allemagne, la réglementation légale des CDD a donc longtemps été très réduite, mais un peu plus contrebalancée par la jurisprudence qu’au Royaume‑Uni. Actuellement, on observe, suite aux exigences européennes, un plus grand encadrement de ces contrats, même si l’on est encore loin de la situation française, où l’utilisation des CDD se réduit à une liste de cas précis.

50Il est frappant de remarquer que le pays où le lien intrinsèque entre stabilité du contrat de travail et risques de perte d’emploi est le plus fort (la France) est l’un des pays où l’usage des CDD est, depuis longtemps, le plus restrictif. A contrario, les pays où ce lien est le plus faible (Royaume‑Uni et Allemagne) sont ceux où l’usage des contrats à durée déterminée est (et surtout, était) le moins restrictif. Ce constat peut s’interpréter aisément : si les CDD sont réservés à des situations spécifiques, les différences – en termes de stabilité d’emploi – entre les types de contrats seront plus saillantes. À l’opposé s’il est plus aisé de recourir aux CDD, alors la distinction – toujours en termes de stabilité d’emploi – entre CDD et CDI sera moins prégnante. Notons également qu’il ne semble pas que les pays plus restrictifs, comme la France, recourent moins fréquemment aux CDD que les pays moins restrictifs, comme le Royaume‑Uni. Il semblerait même que ce soit l’inverse : en regardant le tableau 1, on observe que la proportion de salariés se déclarant sous contrat à durée déterminée est – significativement d’un point de vue statistique – inférieure au Royaume‑Uni comparativement à la France. Par ailleurs, il semble que l’ampleur de cette restriction juridique de l’usage des CDD puisse être reliée à l’importance de la régulation (étatique) du marché du travail – la France incarnant le modèle de l’étatisme des relations professionnelles, alors que le Royaume‑Uni et l’Allemagne sont deux pays où l’abstentionnisme étatique est, historiquement, marqué.

51On peut esquisser une autre piste d’explication pour les positions spécifiques du Danemark et des Pays‑Bas. En effet, on constate que ces deux pays ont été les modèles de l’idéal de flexicurité (Keune & Jepsen, 2007). Pour ses partisans, l’opposition entre flexibilité et sécurité peut être dépassée en garantissant non pas la stabilité de l’emploi mais une sécurisation des parcours professionnels (Grimault, 2008). Ainsi, le cas du Danemark est reconnu pour son « Triangle d’or » (Gazier, 2008) qui allie des facilités de licenciement pour les entreprises avec de nombreuses politiques actives d’emploi, visant à développer l’employabilité des chômeurs, et une protection sociale suffisamment développée pour garantir un revenu suffisant les premiers mois suivant la perte d’emploi. On peut émettre l’hypothèse que ces politiques de flexicurité entraînent une forme de brouillage entre les types de contrats. Mais cette proposition doit rester au stade d’hypothèse, car, en l’absence de comparaison dans le temps, il n’est pas possible de dire si ce brouillage entre statuts est l’effet (postérieur) des politiques de flexicurité ou s’il leur est antérieur. Dans ce cas, il serait possible que les politiques de flexicurité se soient développées dans ces pays en raison d’une prédisposition à déconnecter la sécurité de la carrière de la sécurité du contrat de travail.

Conclusions

52Nombreux sont les auteurs (Paugam, 2000 ; Barbier, 2005 ; Vultur, 2010) qui insistent sur les problèmes liés à l’utilisation du concept de précarité dans les comparaisons internationales, en raison, principalement, de la variation entre pays de la signification et des effets des contrats stables et précaires (Auer & Cazes, 2000 ; Barbier, 2005 ; Paugam, 2000) : dans certains pays, les contrats instables impliquent très souvent une instabilité de l’emploi conséquente ; dans d’autres, la distinction entre contrats stables et instables est plus brouillée en termes de stabilité de l’emploi. L’analyse systématique présentée ici, qui mesure pour chaque pays l’association intrinsèque entre le type de contrats et les risques (subjectifs et objectifs) de perte d’emploi, confirme ces hypothèses.

53D’une part, d’un point de vue de la comparaison internationale, on peut considérer que quand des pays présentent un rapport de chances significativement différent, il devient clairement problématique d’utiliser le type de contrat comme indicateur individuel du risque (subjectif ou objectif) de perte d’emploi, puisque la relation entre ces deux variables diffère entre ces pays. L’utilisation du type de contrat comme indicateur de la stabilité de l’emploi est donc à proscrire dans la plupart des cas. Néanmoins, quand les rapports de chances – tant pour la dimension objective que subjective – sont proches, comme la Belgique et la Finlande, il me semble possible d’utiliser le type de contrat à défaut d’un autre indicateur. À condition toutefois d’être attentif à trois erreurs possibles.

54Premièrement, une certaine conception des tests d’hypothèse nous interdit de conclure à une égalité, quand nous ne constatons pas de différences significatives. Il est tout à fait possible que cette absence de différence soit simplement due à une taille d’échantillon trop petite. Pour reprendre l’exemple de la Belgique et de la Finlande, dans la dimension objective et avec 95 % de certitude, le rapport de chances de la première se situe entre 6,30 et 8,74 et celui de la seconde entre 6,02 et 8,57. Il est donc tout à fait possible que le premier soit supérieur à 8 et que le second s’approche de 6, ce qui est une différence appréciable (un rapport de ¾). Il faut donc ne pas oublier que des indicateurs qui ne sont pas significativement différents sont similaires, mais pas nécessairement identiques.

55Deuxièmement, comme les rapports de chances mesurent l’association intrinsèque entre les deux stabilités, ils ne nous disent rien sur la protection propre à chaque type de contrat. Ils ne nous donnent qu’une information sur la protection relative d’un contrat stable par rapport à un contrat précaire. Ainsi, ce n’est pas parce que les rapports de chances de deux pays sont similaires que la protection découlant du contrat stable est similaire dans ces deux pays. Seul le rapport entre la protection des contrats stables et celle des contrats instables est similaire.

56Troisièmement, il ne faut pas oublier que les autres types de précarités peuvent présenter un intérêt propre. Par exemple, on peut s’intéresser à la précarité institutionnelle en raison des avantages que procure l’un ou l’autre type de contrat. Ce n’est pas parce que des pays présentent des rapports de chances similaires que les significations juridiques de chaque type de contrat le sont aussi. Elles peuvent être très différentes. Si l’on s’intéresse aux contrats de travail pour la protection juridique qu’ils apportent, on ne peut évidemment pas faire l’économie d’explorer le droit du travail et les conventions collectives.

57D’autre part, les rapports de chances permettent de mesurer le brouillage – en termes de risque de perte d’emploi – entre les contrats stables et les contrats instables. Par exemple, on peut observer que les pays (Danemark et Pays‑Bas) ayant précocement mis en place des politiques de flexicurité affichent un brouillage important entre les types de contrats. On constate également que plus le brouillage – en termes de risque subjectif de perte d’emploi – entre les contrats stables et les contrats instables est important, moins la notion de précarité est utilisée sur la place publique. Ce constat s’illustre particulièrement bien dans l’opposition entre la France et le Royaume‑Uni. On doit cependant noter que cette relation ne se retrouve pas de manière aussi saillante quand on s’intéresse au risque objectif de perte d’emploi, puisque dans ce cas, le Royaume‑Uni n’incarne plus l’archétype du brouillage entre statuts. Le fait que ce lien soit plus fort pour la première mesure semble logique puisque tant les débats autour de la notion de précarité que le risque subjectif de perte d’emploi appartiennent à la dimension subjective du monde social : ils sont tous les deux des représentations.

58Ces relations entre, d’une part, politiques de flexicurité et débats autour de la précarité et, d’autre part, brouillage entre types de contrats ne conduisent pas à une interprétation univoque. Si l’on peut à première vue supposer que les politiques de flexicurité ont, conformément à leur conception de la sécurité, conduit à un brouillage entre statuts, sans comparer la situation de ces pays avant et après l’introduction de ces politiques, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que le brouillage découle de la politique. Il est possible que les pays qui ont développé ces politiques soient justement ceux où les types de contrats étaient déjà relativement flous. De manière similaire, est‑ce parce que, dans certains pays, les travailleurs ne perçoivent pas de grandes différences de risque de perte d’emploi entre les différents contrats que la notion de précarité n’arrive pas à s’introduire dans les débats ? Ou est‑ce que parce que la notion de précarité est absente des débats que les travailleurs ne perçoivent pas de grandes différences de risque de perte de perte d’emploi entre les types de contrats ? Le fait que les situations des pays, sur le plan des risques subjectifs et objectifs, sont similaires me conduit à penser que la perception des travailleurs de la différence de risque de perte d’emploi reflète, en partie du moins, la différence objective de risque de perte d’emploi. Par contre, le fait que cette différence soit plutôt sous‑estimée par les travailleurs au Royaume‑Uni implique que la perception ne provienne pas automatiquement et directement de la situation objective. Cela suggère que d’autres facteurs, comme l’importance des débats autour de la stabilité de l’emploi ou le degré de précarité du travail des contrats instables influence la perception de la différence de risque de perte d’emploi. Même s’ils conduisent à de nombreuses questions, ces constats sont plutôt rassurants, car ils montrent que les débats politiques sont liés d’une manière ou d’une autre à la réalité sociale et institutionnelle sur laquelle ils reposent.

59Si les résultats confirment l’idée que les types de contrats sont et ont des effets différents selon les pays, les explications généralement avancées pour éclairer ces différences ne trouvent pas d’écho ici. En effet, certains auteurs (Vultur, 2010 ; Barbier, 2005) ont tendance à considérer les typologies d’États‑providence comme explication centrale : dans les pays continentaux, où la protection sociale est centrée sur l’emploi, la stabilité de l’emploi incarnée par le CDI est valorisée et la précarité effraye ; dans les pays anglo‑saxons et dans les pays scandinaves, cette question est moins importante parce que la protection sociale est soit très réduite, soit très développée, mais toujours de manière « universelle » – c’est‑à‑dire détachée du statut d’emploi. Si cette interprétation tient pour comprendre la situation du Royaume‑Uni, elle vacille quand on s’intéresse aux pays scandinaves. La Suède, mais surtout la Norvège et la Finlande présentent chacune, comme la France, une association importante entre contrats instables et risques élevés de perte d’emploi.

60En revanche, l’hypothèse selon laquelle le degré d’implication de l’État dans les relations professionnelles peut expliquer l’ampleur de l’association entre la stabilité du contrat de travail et le risque de perte d’emploi est une piste intéressante. En effet, les pays où cette association est la plus faible – le Royaume‑Uni et l’Allemagne – sont ceux où, traditionnellement, l’État s’abstient d’intervenir dans les relations professionnelles. Ce lien peut se comprendre par le fait que, dans ces deux pays, l’usage des CDD est historiquement très peu restrictif. Ainsi, on peut supposer qu’un pays comme la France, dans lequel l’État intervient régulièrement pour réglementer le marché du travail, verra l’utilisation du contrat à durée déterminée restreinte à des emplois spécifiquement à durée limitée. Dans cette situation, la distinction entre contrats selon le critère du risque de perte d’emploi sera plus nette. Ce qui conduira à insister, dans les débats politiques, sur la stabilité du contrat de travail, avec une notion comme celle de précarité. Cependant cette explication doit rester au stade d’hypothèse. En effet, avant de l’avancer avec plus de certitude, il est nécessaire de tester la robustesse de cette explication en explorant systématiquement les caractéristiques institutionnelles de chaque pays. Il faudrait également, par des méthodologies plus qualitatives, comprendre plus finement ce lien : pourquoi l’État aurait‑il tendance – plus que les partenaires sociaux – à mettre en place des catégories clairement définies qui ne doivent pas se brouiller ?

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Bibliographie

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URL : http://sociologies.revues.org/3287.

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Notes

1 . D’une manière similaire, Jacqueline O’Reilly (2003) revient sur la distinction temps plein / temps partiel, fondamentale en Europe continentale mais qui perd en partie son sens au Royaume‑Uni en raison de l’absence d’une norme de référence pour l’emploi temps plein.

2 . Pour plus d’informations, voir : http://www.eurofound.europa.eu/ewco/surveys/index.htm.

3 . Pour plus d’informations sur Eurofound, voir son site web : http://www.eurofound.europa.eu/about/index_fr.htm.

4 . Pour plus de détails, voir rapport technique d’EWCS, disponible en ligne : http://www.eurofound.europa.eu/surveys/ewcs/2010/documents/technical.pdf.

5 . Pour les tableaux détaillés et plus d’informations sur cette population spécifique, voir l’annexe électronique sur le site de la revue http://sociologie.revues.org/2251.

6 . Ce pays a été choisi à titre d’exemple en raison de ses chiffres ronds qui facilitent la compréhension des rapports de chances. Les données pour les années 2005 et 2010 ont été agrégées pour augmenter la taille de « l’échantillon ». Les rapports de chances ne variant pas significativement entre 2005 et 2010, comme nous le verrons, cette agrégation ne pose pas de problème.

7 . En effet, les rapports de probabilités sont plus simples à interpréter. Par exemple, les titulaires d’un contrat instable ont deux fois et demi plus de probabilités que les titulaires d’un contrat stable de penser risquer de perdre leur emploi (2,5 = 25 % / 10 % ≈ (47/192)/(105/1049)). Mais, contrairement aux rapports de chances, les rapports de probabilités ont l’inconvénient majeur d’être sensibles aux marges, et donc d’être difficilement comparables.

8 . Cette technique permet d’identifier les facteurs (variables, associations entre deux variables et interactions entre plus de deux variables) nécessaires pour reconstruire un tableau de contingence. Dans ce cas‑ci, en se basant sur les trois variables que sont la stabilité du contrat de travail (dichotomisée), le risque subjectif de perte d’emploi (dichotomisé) et l’année, on peut voir pour chaque pays si l’interaction entre ces trois variables est nécessaire pour reconstruire le tableau. Dans ce cas, l’association entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi varie significativement entre 2005 et 2010. Dans le cas contraire, la variation dans le temps de cette association n’est pas statistiquement significative.

9 . Cependant cet ordre de grandeur n’est pas très fort. Ainsi, il paraît faible en comparaison aux chiffres que l’on obtient dans les études de mobilité sociale, dans lesquelles le rapport de chances d’être ouvrier peu qualifié plutôt que cadre supérieur quand on a un père ouvrier peu qualifié plutôt que cadre supérieur dépasse souvent 50 (Chauvel, 2001 ; Girès & Ghesquière, 2013).

10 . Des informations détaillées sur cette base de données sont disponibles sur le site web d’Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/microdata/introduction.

11 . Les répondants sont suivis annuellement pendant quatre années successives. Pour éviter de retrouver plusieurs fois la même personne dans l’échantillon – et, ainsi, violer l’hypothèse statistique d’indépendance des observations – je n’ai conservé que les réponses des répondants l’année d’entrée dans le panel et l’information concernant leur statut d’emploi l’année suivante. Ce choix permet de maximiser le taux de réponse en limitant les non‑réponses ultérieures liées à l’attrition.

12 . Étant donné que nous nous intéressons au devenir des personnes un an après avoir identifié leur type de contrat, les mesures concernant le type de contrat s’étendent de 2003 à 2009 et les mesures du devenir des répondants s’étendent de 2004 à 2010. Cependant, pour certains pays, certaines années sont manquantes : le pays ayant rejoint l’enquête ultérieurement ou les données récentes n’étant pas (encore) disponibles. Ainsi, les données concernant l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Islande, l’Italie, le Portugal et la Suède ne sont disponibles qu’à partir de 2004. Les données concernant le Royaume‑Uni et les Pays‑Bas ne sont disponibles qu’à partir de 2005. Les données concernant l’Irlande ne sont disponibles qu’à partir de 2004 et seulement jusqu’en 2009. Et pour l’Allemagne, seul le panel commençant en 2005 est disponible. J’ai néanmoins préféré conserver toutes les informations possibles pour éviter d’exclure des pays, et ainsi réduire l’ampleur de la comparaison, ou exclure des années, et alors allonger les intervalles de confiance.

13 . Les guillemets permettent de pointer le fait que la perte d’emploi est ici de l’ordre factuel plutôt que de l’ordre de la probabilité : elle a ou n’a pas eu lieu.

14 . Les personnes qui ont perdu leur emploi mais qui en ont retrouvé un autre appartiennent donc à cette catégorie, ce qui est dû aux contraintes de la base de données utilisée. Même si ce choix est critiquable, d’un point de vue conceptuel, il n’est pas toujours simple de définir la perte d’emploi. Par exemple, un salarié qui a deux contrats à durée déterminée successifs pour la même tâche et le même employeur pourrait être considéré comme ayant perdu son emploi pendant l’espace d’un instant.

15 . Cette base de données, produite par the Amsterdam Institute for Advanced labour Studies (AIAS), centralise de nombreuses informations sur les relations professionnelles dans des pays du monde entier. Les données

elles‑mêmes, les informations sur leur collecte et la construction des indicateurs sont disponibles sur le site de l’AIAS : http://www.uva‑aias.net/208.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Répartition des salariés selon leur contrat de travail dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)
URL http://journals.openedition.org/sociologie/docannexe/image/2246/img-1.png
Fichier image/png, 54k
Titre Tableau 2 : Répartition des salariés selon leur risque subjectif de perte d’emploi dans les pays d’Europe occidentale en 2010 (données EWCS)*
Légende Réaction a la proposition : « Je risque de perdre mon travail au cours des six prochains mois. »
URL http://journals.openedition.org/sociologie/docannexe/image/2246/img-2.png
Fichier image/png, 67k
Titre Tableau 4 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque subjectif de perte d’emploi par pays dans les années 2005‑2010
Légende * Pays dont la variation du rapport de chances entre 2005 et 2010 est statistiquement significative
URL http://journals.openedition.org/sociologie/docannexe/image/2246/img-3.png
Fichier image/png, 50k
Titre Tableau 5 : Association intrinsèque entre la stabilité du contrat de travail et le risque objectif de perte d’emploi par pays dans les années 2003‑2010 (données SILC)
Légende * Pays dont au moins une variation du rapport de chances selon l’année est statistiquement significative
URL http://journals.openedition.org/sociologie/docannexe/image/2246/img-4.png
Fichier image/png, 50k
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Pour citer cet article

Référence électronique

François Ghesquière, « Précarité du contrat de travail et risque de perte d’emploi en Europe  », Sociologie [En ligne], N°3, vol. 5 |  2014, mis en ligne le 30 novembre 2014, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/sociologie/2246

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Auteur

François Ghesquière

fghesqui@ulb.ac.be
Aspirant FNRS – Centre de recherche METICES – Institut de Sociologie – Université libre de Bruxelles (ULB) - Avenue Jeanne 44 – CP 124 – 1050 Bruxelles – Belgique

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Droits d’auteur

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